Avec des titres comme
Mass Effect 3,
Risen 2 et l'édition 360 de
The Witcher 2, on sait déjà que l'année 2012 sera succulente en matière de RPG occidentaux. Il reste pourtant de la place pour accueillir quelques outsiders, à commencer par ces
Royaumes d'Amalur, titre qui pourrait bien devenir l'une des prochaines grosses licences signées
Electronic Arts.
Et pourtant, il y a largement de quoi être déçu durant les premières minutes du jeu. Il faut dire, quand on nous matraque en communication qu'on a du Todd McFarlane au chara-design et du R. A. Salvatore au scénario, on était en droit de s'attendre à du lourd. Pas de bol, c'est très léger sur ces deux cas, presque au point de parler des deux plus gros défauts du jeu. Quelle ironie... Niveau design donc, on cherche encore la patte du créateur de Spawn dans cet univers et ces personnages tout droit tiré d'un
World of Warcraft, en plus générique. Si certains ennemis sortent du lot, difficile après quelques dizaines d'heures de jeu de se souvenir du moindre protagoniste tant ça pue le classique à des kilomètres. Et pour ce qui est du scénario, là encore, pas de quoi fouetter un pauvre chat. Avec tout la bonne volonté du monde, on se résiste par à l'appel du bouton X pour avancer les dialogues et en venir à l'essentiel. De toute manière, on comprendra vite qu'il faudra sauver le monde de sales créatures, quête évidente dans un RPG US, surtout pour un héros qui est amnésique. Cliché, tout ça...
En revanche, avoir mis en avant Ken Rolston (lead-designer de
Morrowind et
Oblivion) n'a rien d'une publicité mensongère tant le titre semble emprunter de nombreux points de gameplay à la saga
Elder Scrolls. Oh, pas la liberté gargantuesque non plus, mais au moins de très larges zones fermées, dont une bonne partie est accessible dès le début de l'aventure. Une sorte de
Fable puissance 10 en somme, ce qui ne doit pas réjouir Molyneux. De grands territoires donc, aux décors plutôt variés et recelant de moults choses à trouver, avec les habituelles villages, cavernes et autres grottes, où on pourra ensuite retourner directement via la téléportation histoire d'éviter trop d'allers-retours, le jeu étant déjà bien assez fourni en la matière.
Comme souvent dans ce genre de jeu, l'aventure débute par la création de son avatar. Une fois encore, la patte
Elder Scrolls se fait sentir, avec tout d'abord le choix de la race (quatre en tout), déboutant surtout sur quelques bonus dans les compétences alchimie, furtivité, persuasion et marchandage. Les traits de notre personnage peuvent bien entendu être modifiés à loisir même si, comme on l'a dit plus haut, le chara-design n'aide pas vraiment à produire un personnage véritablement classe. Enfin, on passe au choix de la divinité, conférant alors quelques nouveaux bonus d'importance. Les développeurs ont passé outre le choix d'une classe, à l'instar de
Skyrim, afin de laisser une certaine liberté aux joueurs quant à l'orientation de son combattant, quitte à pouvoir quand on le souhaite remettre nos compétences à zéro et redistribuer nos points à loisir (à condition de trouver le PNJ qui propose cette option, évidemment payante).
Niveau système de combat, le titre se tourne là encore du coté d'un
Fable (oui, on a affaire à un vraie mixe, vous l'aurez compris). Malgré une caméra parfois placée un poil trop bas, les joutes se montrent donc très jouable, avec quelques classiques combos, des roulades pour esquiver les attaques trop massives, et un bouclier qui servira à parer de manière basique ou en préparation d'une contre-attaque, à condition de lancer sa parade au bon moment. Quêtes et tueries nous octroyant des points d'expérience, on fait vite de passer au level supérieur pour admirer les possibilités d'évolution, se faisant en trois parties. En premier lieu, c'est les caractéristiques générales qui sont concernées, avec les quatre décrites plus haut (alchimie, persuasion...) accompagnées entres autres du crochetage, de l'armurerie et de l'observation, ce dernier point servant à indiquer sur notre carte de nombreux détails utiles comme les pièges ou les portes secrètes. Très utile pour ne rien laisser passer.
En second lieu, on a affaire aux différents arbres de compétences, répartis en trois sections principales : le combat, la furtivité et la magie. Dans chacun de ces points, il sera possible d'octroyer à chaque niveau trois points de compétences vers les capacités qui vous semblent le plus utile. Le choix est plutôt varié, les combattants pouvant bénéficier par exemple d'une meilleure maîtrise des différents types d'armes ainsi que de nouveaux combos, tandis que les voleurs se tourneront vers l'utilisation des dagues et des arcs, avec possibilité de poser quelques pièges. Enfin, les mages augmenteront la puissance de leurs sorts et bâtons. La troisième partie est un peu plus spéciale, mais excellente : le choix d'une destinée. Dans les faits, on commence la partie avec quelques cartes du destin, chacune octroyant des bonus pour chacun des jobs principaux (guerrier, voleur, mage). Au fur et à mesure de la distribution de points de compétences dans chacune des sections, vous débloquerez de nouvelles cartes, certaines proposant des compétences inédites comme la téléportation en remplacement de la roulade. Il est bien entendu possible de changer son choix de destinée à n'importe quel moment, et d'avoir des mixes comme des cartes guerrier/voleur, mage/guerrier, etc.
Parmi les aspects secondaires du gameplay, on quitte l'univers de
Fable pour revenir du coté de
Elder Scrolls. En effet, plutôt que de miser vers le social comme dans la série de Molyneux,
Amalur reste dans les fondamentaux du genre. Rien ne vous empêche de voler armoire et coffres dans les maisons, pour les revendre ensuite (uniquement à un receleur). C'est également la foire au loot avec un inventaire qui se remplit vitesse grand V, fait d'équipements à revendre, de plantes ramassées pour créer de nouvelles potions, de matériaux pour se forger de nouvelles armes et armures, sans parler de quelques bouquins à lire. On notera tout de même quelques aberrations du coté de l'inventaire, en particulier l'impossibilité de poser certains objets dans notre coffre (dans la maison qu'on aura évidemment acheté), comme les matériaux, alors que ceux-ci prennent une certaine place dans l'inventaire. Il est également étrange qu'une simple potion compte autant en place qu'une armure lourde, mais bon...
Donnons tout de même une petite mention au système de couleurs pour l'équipement, un principe pas non plus inédit (il suffit de voir
Borderlands) mais encore assez rare aujourd'hui. Rien de sorcier, si les noms sont écrits en blancs, c'est du basique alors qu'en vert ou bleu, c'est déjà mieux, en violet, c'est généralement ultime et en orange, il s'agira tout simplement d'une pièce appartenant à un set complet d'armure, qui octroiera un plein de bonus si on en récupère la totalité. Notons que les couleurs sont également reprises du coté des ennemis, pour indiquer si ces derniers sont d'un niveau équivalent ou plus élevé que le votre. Toujours utilise même si, à moins d'être mauvais et de jouer en difficile, mourir sera assez rare.
Sans égaler la saga de Bethesda,
Les Royaumes d'Amalur assure tout de même coté durée de vie. D'une trentaine d'heures en ligne droite, ce qui reste dans la moyenne du genre, on pourra facilement monter au-delà des cent heures de jeu si on commence à s'intéresser à l'avalanche de quêtes secondaires et aux différentes guildes. Il y a de quoi faire, et il est dommage que la principale motivation à la longue vienne surtout de l'augmentation en puissance de notre personnage plutôt que d'un quelconque intérêt envers le background. Si
Skyrim parvenait à proposer de très intéressantes petites aventures, certaines étant plus intéressantes que l'histoire principale elle-même, le titre de
Big Hug Games restera dans la formule MMO, à coup de
« Va buter lui là-bas »,
«Sauve mon ami » et
« Mon fils est malade et j'aurais vachement besoin d'un médicament qui se trouve au fond d'une grotte pleine de trolls ». Pas de quoi motiver en apparence mais lorsqu'on s'aperçoit que le compteur du jeu en est déjà à plus de trente heures, et qu'on ne s'est toujours pas lassé, c'est généralement bon signe.
Conclusion : On pourrait le qualifier de Elder Scrolls pour les nuls ou, limite, de
Fable 4 avant l'heure (si on oublie l'aspect social de cette dernière licence), au point de finir par se demander si le véritable problème de Reckoning, ce n'est pas justement le fait qu'il a encore du mal à se démarquer de la concurrence. Proposant un melting-pot reprenant les bonnes idées des derniers gros RPG du moment, et surtout une durée de vie à la hauteur, le dernier bébé de Big Hug Games pêche finalement par son background et son design sans grande ambition, le genre de détail qui pourra jouer chez certains à la longue, et qui l'empêchera d'atteindre les sommets d'un Skyrim ou d'un
The Witcher 2. Pour l'heure, il s'agit tout de même d'un très bon point de départ pour une éventuelle future saga.